Joseph de Guérin

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   Jean-Guillaume-Joseph de Guérin est né le 11 mars 1778. Élevé d’abord dans une petite pension de Gaillac, chez Millicou, il termina son éducation, quand les écoles eurent été fermées par la Révolution,   au  Cayla  sous  la  direction  d’un  précepteur  nommé Joseph Caillau.
   En 1791, son jeune âge (13 ans) ne l’empêcha pas d’être nommé lieutenant de la garde nationale d’Àndillac dont Jean Gastou était commandant. L’histoire ne dit pas comment il s’acquitta de ses fonc­tions. Ce devait être chose singulière et amusante que cette troupe andillacoise qui comptait pour un de ses chefs un enfant de treize ans. Il s’agissait seulement, il est vrai, d’une distinction honorifique, dans laquelle les gens d’Andillac virent une approbation donnée par leur châtelain aux institutions révolutionnaires.
   Mais ce gage de patriotisme ne fut pas jugé toujours suffisant. Joseph de Guérin, pour des motifs qui nous sont inconnus, se vit obligé, quelques années après, de s’enfuir de chez lui, de quitter Andillac, de se cacher quelque temps chez Pons, à Campagnac, sur les confins de la profonde forêt de la Grésigne, puis finalement de s’exiler et de traverser les Alpes. Dès que les circonstances le permirent, il retourna dans son castel auprès de son père, et quand il y revint, comme l’époque de sa conscription approchait, il fit le possible pour s’en dégager. Il y réussit.
Libéré des obligations militaires, il contracta mariage avec une jeune fille de Campagnac, Jeanne-Viçtoire-Gertrude Fontanilles, née le 18 mars 1776, troisième enfant d’une famille qui devait en comprendre quatre. La bénédiction nuptiale fut donnée le 1er février 1802 dans l’église de Campagnac. Les jeunes mariés s’installèrent au Cayla. Un an après, Joseph perdait son père, le 8 février 1803. Sa mère, à qui déplaisait peut-être la vie en tête-à-tête avec une intruse de belle-fille, quittait alors le Cayla, en compagnie d’une servante,  pour la maison de Cahuzac qui fait partie de son douaire.  Elle vivra ainsi trente ans, s’enfermant dans sa solitude, ne recevant que les rares visites de son fils, ignorant ses petits enfants.
Ainsi, il se trouvait soudain, à vingt-cinq ans, le chef de famille. Quatre enfants lui naquirent : Érembert (1804), Eugénie (1805), Marie (1806) et Maurice (1810). Il dut faire leur éducation «avec une fortune moins que médiocre» ; il la fit «à la sueur de son front : il vivait de privations 2».
Outre la gestion de son domaine et l’éducation de ses enfants, de préférence celle de ses fils, son engagement politique était bien connu. Joseph de Guérin n’acceptait qu’à demi l’Empire dans lequel il voit seulement une transition entre la Révo­Iution et la Monarchie. Il n’était pas homme à cacher ses préférences politi­ques. On le savait autour de lui. Et c’est probablement pour ce motif que le gouvernement impérial ne lui confia aucune magistra­ture.
Son attachement aux principes monarchiques trouva sa récompense. Aussitôt après le retour des Bourbons, il était nommé maire provisoire d’Andillac en remplacement de Jean Gastou. Puis, le 30 décembre 1816, M. le baron Decazes, préfet du Tarn, en vertu de la loi du 28 pluviôse an VIII qui attribuait aux préfets la nomina­tion des maires et adjoints de communes dont la population était au-dessous de 5000· habitants, désignait Joseph de Guérin comme maire définitif d’ Andillac pour une période de cinq ans. Ce mandat lui fut renouvelé en 1821 et en 1826.
Entre temps, après 16 ans de mariage, à l’automne 1818, la maladie de Gertrude contraint la famille à s’installer à Gaillac afin d’être au plus près des soins que son état nécessitait. Malgré tous les efforts, après plusieurs mois de maladie, Mme de Guérin décédait le 2 avril 1819. Ce décès bouleversa la vie des habitants du Cayla.Au mois de mai 1819, Joseph de Guérin regagnait le Cayla qu’il avait à peu près abandonné depuis l’automne. Il devait reprendre la direction des travaux du Cayla et intensifier le rendement de sa modeste exploitation afin de rétablir une situation financière préoccupante. Il continuait à s’acquitter en même temps très consciencieusement de sa charge de «maire royaliste d’une population qui ne l’était guère mais qui avait le craintif respect du pouvoir établi 3». De son côté, Eugénie, qui venait à peine de terminer ses quatorze ans, entreprenait sans hésitation le rôle qui sera le sien pendant toute sa vie : ange consolateur auprès de son père, maîtresse de maison au Cayla, seconde mère de Maurice.
Lors de la révolution de juillet 1830, Joseph de Guérin ayant refusé de prêter le serment institué par la loi du 30 août 1830 4, fut relevé de ses fonctions de maire d’Andillac le 4 novembre de la même année. Étant donné la notoriété acquise auprès des paysans, qui le tenaient pour «le plus brave homme de la paroisse 5», il ne crût pas nécessaire de se sauver à Gaillac. Il demeura chez lui sans être inquiété, s’occupant alors complètement de son domaine et de ses enfants. 
Son décès intervient le 16 décembre 1848, quelques mois après celui d’Eugénie (31 mai 1848).

 1 – Cette note est, en grande partie, la copie du texte de l’ouvrage d’Émile Barthés ; Eugénie de Guérin – Avant la mort de son frère,  Paris, Librairie Lecoffre, 1929.
2 – Maurice de Guérin Essai de biographie psychologique, Elie Decahors, Librairie Bloud et Gay, Paris, 1932, page 28.
3 – Ibid, page 41.
4 – La loi du 30 août 1830 avait déféré le serment suivant à tout magistrat et tout fonctionnaire public : «Je jure fidélité au Roi des Français, obéissant à la Charte constitutionnelle et aux Lois du Royaume».
5 – Ibid, page 42.

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