Marie de Guérin

MARIE
MARIE DE GUÉRIN

 

 

C’est l’article de Geneviève Duhamelet, MARIE DE GUÉRIN LA MARTHE DU CAYLA 1, publié dans le n° 123 de l’Amitié Guérinienne – Avril-juin 1976, à l’occasion du centenaire de la mort de Marie de Guérin († 24 juillet 1876) qui a servi de base à la rédaction de cet article.

 

 

 

Joseph de Guérin eut quatre enfants : L’aîné, Érembert, dit Éran, est un bon garçon, totalement dépourvu d’ambition. Il aime chasser, courir les bois, se distraire. Excellent chasseur, bon vivant, bon danseur, il est le roi des fêtes villageoises. Son père n’a pour lui que l’espérance d’un beau mariage.

Eugénie et Maurice ont reçu de la nature les dons intellectuels de leur lignée Maurice sera d’Église, décide son père.

Et Marie (dite Mimi ou Mimin) ? Née le 30 août 1806. Elle est à ce point effacée qu’il faut bien des efforts pour dégager une personnalité chez cette cadette.

Dans un de ses romans, René Bazin fait en quelques mots le portrait de son héroïne : « Fille de l’oubli de soi ». C’est l’épithète qui convient à Marie. Tandis qu’Eugénie s’adonne à la lecture, à l’écriture, à la correspondance et qu’elle s’échappe de temps à autre du Cayla pour « faire sa gentille » à Gaillac, à Rayssac, à Toulouse, et même (ou moment du mariage de son frère), dans la capitale, Marie, comme le petit grillon, ne quitte pas, ou si peu 2, la vieille demeure.

Mgr Barthés le dit expressément : « Tandis que Marie est le dévouement personnifié, la grâce de l’esprit et toute la poésie du Cayla, sont concentrées sur sa sœur Eugénie. Naturellement, la réputation de la jeune fille (je parle de Marie) est vite établie : elle s’ennuie dans le monde ! Cette soi-disant répugnance n’est-elle pas un excellent prétexte pour voiler son renoncement ? C’est elle donc qui se charge, aidée par une servante, des travaux domestiques. Bien sûr, elle est plus robuste que sa sœur. Eugénie s’en va un jour « laver sa robe au ruisseau ». Elle le dit dans son Journal, et c’est bucolique à souhait… Marie se charge des lessives, de la soupe des moissonneurs….

Les deux sœurs s’aiment tendrement, elles partagent le même lit : ce sont, le soir, de longs bavardages sur l’oreiller, et quand elles sont séparées, un échange de lettres pleines de détails, de nouvelles des uns et des autres et de descriptions de toilettes. Eugénie raconte ses exploits mondains… et Marie lui répond : « Cela ne te semble-t-il pas un peu étrange, du Cayla, se trouver d’un seul bond au milieu des fêtes bruyantes du grand monde ? Mais il paraît que tu t’y fais très aisément. Seulement l’idée que je suis loin de ces fêtes te gâte le plaisir que tu y trouves. Eh bien, mon amie, que cette pensée ne t’attriste pas le moins du monde : tu t’amuses et je ne m’ennuie pas. C’est tout ce qu’on peut désirer ici ».

Sans doute Eugénie éprouve quelque remords d’avoir « choisi la meilleure part ». Elle confie à son Journal : «… Je trouve perdu le temps que je mets à écrire. Nous devons compte à Dieu de nos minutes, et n’est-ce pas mal les employer que de tracer ici des jours qui s’en vont »… aimables remords que n’agrémente pas le ferme propos, rassurons-nous.

Pendant ce temps, Mimin veille au bon ordre de la maison et, dans le village, va visiter et soigner les malades, assister les mourants. Eugénie qui admire sa sœur autant qu’elle l’aime écrira un jour : « Que je voudrais mourir près d’elle. Marie est une de ces âmes rares, de ces trésors de Dieu que le monde ignore. Je lui connais mille vertus : douceur, patience, piété extrême, charité, surtout charité. Elle donne, elle instruit, c’est une perfection que j’admire  ».

Lors du mariage de Maurice qui se fait à Paris le 25 novembre 1838, Eugénie et Éran représentent la famille. Marie, naturellement, demeure au Cayla, pour veiller sur leur père.

Peu après son mariage, Maurice est malade, très malade. Il veut retourner au Cayla. Sa sœur rejoindra à Tours le jeune ménage, à la mi-juin. On sait ce que furent les derniers jours de Maurice. Quand il est entré en chancelant dans le salon, il a réclamé sa sœur Marie : « Où est Mimin ? » En recevant le triste cortège, Marie s’est sauvée dans la cuisine pour pleurer plus à son aise.

Après la mort de Maurice, la vie reprend tant bien que mal chez les Guérin ; Érembert enfin se marie. Anaïs, sa jeune femme, simple et douce, s’intègre sans heurts à la vie du Cayla. En elle repose l’espérance de la lignée. Mais, sur les cinq enfants qui naîtront, une seule fille survivra, Marie-Caroline.

De son côté, Eugénie s’affaiblit de jour en jour. Après une cure à Cauterets, les siens constatent que son état ne s’est pas amélioré. Un crachement de sang confirme leurs craintes. C’est bien le mal de Maurice qui va emporter Eugénie. Joseph de Guérin est de plus en plus tourmenté par son asthme (?) et ne peut plus dormir que dans un fauteuil. Marie le veille. Elle se prodigue auprès des malades et des enfants. Chaque jour elle fait à sa sœur une lecture pieuse. Dans cette famille où l’on s’aime tant, le plus admirable est cette sérénité, ces visages qui se forcent à sourire, cet héroïsme à dissimuler la certitude évidente, cette pudeur de la souffrance.

La mort d’Eugénie survient le 31 mai 1848. Son père consumé de chagrin la suivra avant la fin de l’année.

Que fera Marie ? Elle pense que sa place est toujours au Cayla : « Je reste cependant pour aider notre seul et unique frère ». Et ce frère, lui aussi, est bien malade, il doit s’arrêter de travailler. L’exploitation est confiée au fidèle domestique Jeanet. Éran lui-même est rappelé à Dieu le 16 décembre 1850, juste deux ans après le vieux Guérin.

Il ne reste plus au château, auprès d’une enfant de six ans, qu’une veuve éplorée et une sœur douloureuse. Le devoir de Marie est désormais tout tracé : rester auprès de sa belle-sœur et l’aider à élever sa petite-fille. Elle continue sa tâche de Marthe dans la maison singulièrement vide.

Et voici qu’un jour de juillet 1855, six ans après la mort de Maurice, le facteur apporte à Marie, une extraordinaire, une incroyable nouvelle. C’est une lettre timbrée de Caen et signée d’un nom inconnu d’elle, Trebutien.

La suite en construction.

1 – Référence à l’Évangile de Luc (10:38-41) selon lequel, Jésus entra dans un village, et une femme, nommée Marthe, le reçut dans sa maison.  Elle avait une sœur, nommée Marie, qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole alors que Marthe, s’occupait aux divers soins domestiques.
2 – L’un des rares voyages de Marie, sans doute le plus long : en 1827, en compagnie d’Eugénie elle séjourne à Albi, pendant un mois, chez Victor Mathieu qui leur fait visiter Albi, la cathédrale Sainte-Cécile, l’usine de Saint-Juéry qui les impressionne fort,…

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